C’est quoi ?
Le terme « champignon » est considéré par la science actuelle comme obsolète car il désigne plusieurs taxons distincts. Longtemps classé dans l’ordre des végétaux, en 1969 ils sont classés dans un règne à part entière : les mycètes. En effet le champignon n’est ni une espèce animale, ni une espèce végétale : il se nourrit comme un animal mais a des cellules avec des parois comme les végétaux… Ils sont très diversifiés, et pour simplifier, sont divisés en 3 groupes :
- les champignons inférieurs : structures filamenteuses, constituent une grande partie des espèces fongiques du sol, et nombre d’entre eux sont engagés dans des relations symbiotiques ou pathologiques avec des plantes et animaux ;
- les champignons supérieurs : structures plus complexes, notamment en produisant des organes de fructification ;
- les Ascomycètes : très grand groupe qui compte près des deux tiers des espèces de champignons identifiées. Ils sont souvent associés en relation symbiotiques (mycorhizes, lichens), ou parasitaires (phytopathogènes).
Ici je vais surtout parler des champignons mycorhiziens (groupe des Ascomycètes). Ceux qui ont vraisemblablement aidé les premières plantes terrestres à coloniser les terres émergées.
Et plus précisément ?
Une mycorhize (mot composé du grec ancien : μύκης / múkēs, « champignon » et ῥίζα / rhíza, « racine ») est le résultat de l’association symbiotique, entre des champignons (association généralement non spécifique) et les racines des plantes (90 % des familles de plantes terrestres sont concernées). Les mycorhizes interagissent aussi avec diverses bactéries du sol.
L’interaction des deux organismes joue un rôle très important dans le mode vie et sur le développement des deux individus, surtout pour la plante.
Rôle
La surface d’exploration exploitée par la plante est multipliée par 10 000 grâce aux mycorhizes ! Ce qui permet une absorption beaucoup plus efficace d’eau et des nutriments, multipliant par dix la croissance de la plante !
Les mycorhizes sont à l’origine des écosystèmes (et les influencent) les plus complexes, et en particulier dans les forêts. Les réseaux mycéliens sont interconnectés et jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement et la structuration des communautés végétales, facteurs de stabilité et d’équilibre écologique.
C’est réseau écologique essentiellement souterrain, que certains biologistes ont nommé le Wood-Wide Web (en référence au « World Wide Web »). C’est la chercheuse canadienne Suzanne Simard qui a mis en évidence en 1997 ce réseau avec le transfert mycorhizien du carbone entre des arbres en conditions naturelles.
Ce WWW est le premier canal de communication des arbres. Il agit comme un réseau de communication entre les plantes, y compris en inter-espèces :
- une connexion s’établit ainsi entre des arbres éloignés de plusieurs dizaines, voire centaines de mètres. L’objectif de cette communication souterraine : avertir les arbres voisins en cas de danger. Grâce à des impulsions électriques se diffusant dans les racines à la vitesse d’environ 1 cm par seconde, un arbre attaqué par des insectes ou par tout autre animal peut relayer l’information. Ses voisins produiront alors dans leurs feuilles des sucs amers, les rendant immangeables.
- les communautés mycorhiziennes répondent également aux modifications de l’environnement (plus ou moins favorable à l’hôte ou au symbiote)
- certains champignons mycorhiziens contrôlent la composition des communautés végétales par un effet direct du champignon sur la valeur
Danger pour tous
“Les pesticides, c’est la cerise sur le gâteau des impacts de l’agriculture intensive sur les sols”, illustre, Marc-André Selosse, biologiste spécialisé en mycologie. Après le labour, l’utilisation d’engrais chimiques, ou l’uniformisation des paysages, l’utilisation de produits phytosanitaires participe à affaiblir la diversité des champignons du sol, pourtant essentielle aux cultures.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser au premier abord, ces substances utilisées pour détruire les champignons parasites – les fongicides – ne seraient pas les principaux responsables de ce déclin. Les champignons non désirés sont en fait bien différents des autres. Les produits qui les visent n’ont donc que très peu d’effets sur les organismes bénéfiques aux plantes, que l’on nomme les mycorhizes.
Les champignons victimes de “balles perdues”
Non, le problème, selon Marc-André Selosse, ce sont “les balles perdues”. “Les champignons sont les organismes les plus proches des animaux. Or, on sait que beaucoup de pesticides ciblent des animaux, donc ils peuvent aussi être dangereux pour les champignons”. Le glyphosate, un insecticide qui cible des plantes, est par exemple néfaste pour les mycorhiziens, car il affecte la survie des spores, soit les graines du champignon. Finalement, la plante n’est plus aussi bien protégée et devient alors plus sensible aux pathogènes. Il faudra donc en retour lui appliquer des fongicides. “Un engrenage sans fin”, selon Marc-André Selosse.
Résistances, résilience
Enfin, les champignons sont de plus en plus résistants aux produits utilisés. Plus on applique des fongicides, plus les cibles apprennent à se défendre, plus les industriels augmentent les doses. “On retrouve même maintenant des cas de résistances croisées”, ajoute Christian Mougin. “Sans que la molécule ait été en contact avec un organisme, celui-ci peut déjà être résistant grâce à une réponse immunitaire commune.”
Avec le développement de ces champignons résistants aux traitements antifongiques, la santé humaine se trouve aussi de plus en plus menacée. Profitant du réchauffement climatique et des protocoles de soins dégradés lors de la pandémie de Covid-19, de plus en plus d’épidémies dues à des champignons microscopiques émergent depuis plusieurs années. Une illustration des répercussions multiples et inattendues de l’utilisation de pesticide sur le vivant.
Autre illustration de cette surprenante résilience, les champignons sont utilisés pour résister aux pesticides et dépolluer les sols. Selon Marc-André Selosse, les champignons peuvent ainsi détruire jusqu’à 80 % des pesticides épandus en une année, grâce à leurs effets détoxifiants. Un service de nettoyage naturel dont on aurait bien du mal à se passer.
Source partielle : https://www.lacorneille.fr/main-articles/la-riposte-des-champignons
Alexandre Blandin
Jardiversité